News
40 ans d’opportunités, de leçons et de tournants: interview avec Benedikt Lüthi, PDG de LINK, pour le 40e anniversaire de l’institut
LINK • 30. juillet 2021

L’institut LINK a été fondé en 1981 et célèbre donc cette année son 40e anniversaire. Une bonne occasion pour une interview rétrospective détaillée avec le PDG, Benedikt Lüthi. Un entretien sur le potentiel des études de marché et de la recherche sociale, sur la gestion des défis comme la crise du coronavirus, et sur les objectifs pour l’avenir.
Peux-tu décrire l’institut LINK en une phrase?
Avec ses 100 spécialistes, ses 500 enquêtrices et enquêteurs et ses 115 000 panélistes, LINK est LE centre d’information de Suisse pour comprendre les comportements d’achat, les motifs de décision et les préférences des consommatrices et consommateurs, sans oublier les évolutions sociétales en général.
40 ans de LINK – 40 ans de critères décisionnels de qualité pour notre clientèle. Tu fais partie de cette histoire depuis 2016. Comment en es-tu arrivé là?
En 2016, j’ai eu l’opportunité d’entrer chez LINK et de siéger dans le même temps au conseil d’administration. Avec mes collègues du conseil, j’ai ensuite pu participer à la réorientation de l’institut. Lors de la mise en œuvre de la stratégie, le conseil d’administration a conclu que du sang neuf était nécessaire au sein de l’équipe de direction pour assurer le succès de cette réorientation. C’est ainsi que j’ai pris la tête de la direction opérationnelle de LINK, que j’assume à présent depuis près de quatre ans aux côtés de Sabine Frenzel, de Stefanie Brunner, de Lukas Theiler et de Stefan Reiser.
Tu es historien de formation avec une expérience en politique. Est-ce que ce profil a une influence sur la façon dont tu exerces tes fonctions de PDG du leader suisse des études de marché?
Pendant les cours d’introduction du séminaire d’histoire à Zurich, on nous a rabâché deux choses: d’une part, l’approche correcte du matériel historique, les fameuses sources, et d’autre part, le principe «pas de travail historique sans questionnement». Dans le domaine des études de marché, c’est la même chose: ce sont avant tout nos questions qui permettent de récolter des données pertinentes et fructueuses. Après une collecte de données réussie, ce sont à nouveau les questions et les capacités analytiques de nos enquêtrices et enquêteurs qui transforment les données brutes en perspectives pour les entreprises. Et, bien sûr, à l’instar des sources historiques, les données ont aussi un «droit de véto» dans la mesure où elles ne nous livrent simplement pas certaines interprétations et affirmations. Un travail méthodique soigné et la capacité de poser les bonnes questions sont au cœur tant des études de marché et de la recherche sociale que des sciences historiques.
L’institut LINK est le leader suisse en matière d’études de marché et de recherche sociale. À quoi doit-elle ce statut d’après toi?
Il y a plusieurs raisons. La taille de l’institut et l’excellence technique des 100 spécialistes qui s’investissent jour après jour dans les études de marché et la recherche sociale y contribuent fortement.
Ensuite, nos «atouts stratégiques»: le panel en ligne LINK, les plateformes CATI et l’approche mixte qu’ils permettent sont un argument de taille qui encourage beaucoup de clientes et clients du secteur de la recherche à travailler avec nous.
Enfin, nous pouvons présenter des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. L’institut LINK est la première entreprise de recherche de Suisse en matière de chiffre d’affaires. Notre portefeuille de projets va des petits projets en ligne pour les PME aux études d’envergure pluriannuelles de haute complexité pour l’Office fédéral de la statistique. Nous avons également une présence dans tous les secteurs. Aucune autre entreprise ne propose une offre de ce type en Suisse.
Penses-tu que la clientèle valorise particulièrement ce service intersectoriel?
Notre clientèle gagne à savoir que LINK peut en fait lui proposer une solution pour chaque problème et chaque projet. Concrètement, ce sont toutefois davantage les bonnes relations avec nos responsables de projet, le travail de haute qualité et la fiabilité de nos systèmes de collecte qui séduisent notre clientèle. J’entends aussi sans cesse que notre flexibilité et notre volonté d’adapter chaque projet autant que possible à la situation du client ou de la cliente sont particulièrement appréciées.
L’institut LINK existe maintenant depuis 40 ans. D’après toi, quels ont été les principaux jalons?
La prestation innovante des fondateurs de LINK, Joseph Stofer et Horst Heidemeyer, a marqué le début de la collecte téléphonique de données assistée par ordinateur dans le paysage suisse des études de marché et de la recherche sociale; c’était au milieu des années 80.
La mise en place du panel en ligne LINK en 1998-99 a été un autre jalon marquant de l’histoire de l’institut; dans le secteur, il est considéré comme le meilleur panel qualitatif, et comme le plus important et le plus représentatif de Suisse avec plus de 115 000 panélistes.
Au cours des trois à quatre dernières années, nous avons surtout travaillé à l’intégration des technologies numériques, de l’intelligence artificielle et des méthodes de mesure implicites à notre offre de recherche. Grâce à notre partenariat exclusif avec quantilope sous le label «quantilope by LINK», nous pouvons nous compter en toute humilité parmi les pionnières et pionniers de l’utilisation des méthodes agiles.
La crise du coronavirus a présenté un véritable défi. Es-tu satisfait de la manière dont LINK l’a traversée?
Dans l’ensemble, je suis très satisfait. Dès le 25 février 2020, LINK a publié une première enquête sur la situation du coronavirus, puis a interrogé chaque semaine la population sur les évolutions de la première vague. Le moniteur du coronavirus de LINK a été très bien reçu par la presse suisse et a régulièrement fait l’objet de réflexions.
Dans le secteur de la recherche sociale, nous avons pu réaliser de nombreuses études centrées sur le Covid-19: nous avons par exemple mené l’enquête «Monitoring socioculturel des forêts» pour le compte de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, ou encore l’enquête sur l’enseignement à distance pour le Département de l’éducation et de la culture de Lucerne. Au cours de l’année écoulée, le besoin de comprendre la situation exceptionnelle du «Covid-19 en Suisse» par le biais de la recherche sociale empirique s’est renforcé. Nous avons pu répondre à ce besoin avec rapidité et professionnalisme. Personnellement, j’ai été absolument ravi de la façon dont mes collègues ont réussi très rapidement (dès avril 2020) et jusqu’à aujourd’hui à maintenir un lien étroit avec notre clientèle grâce à des événements numériques et à des webinaires. L’esprit et la performance du personnel de LINK pendant cette période de pandémie m’ont fortement impressionné.
Cette situation a-t-elle aussi été synonyme d’opportunités?
Absolument, pour LINK comme pour l’ensemble du secteur, de nouvelles opportunités ont vu le jour. Toutefois, on peut se demander quelle forme prendra la cohabitation dans un monde post-Covid-19. Par exemple: comment se manifestent les préférences d’achat et les motifs de décision de consommatrices et consommateurs avant et après la pandémie? Quelle est l’influence du Covid-19 sur les principales questions sociétales? Et pour le secteur de l’éducation: quels aspects de l’enseignement à distance doivent être repris dans les cours en présentiel? Quelle est l’influence du Covid-19 sur le marché de l’immobilier et quelles en sont les répercussions sur la politique de placement des caisses de pension?
Seules les études de marché et la recherche sociale peuvent apporter aux décideuses et décideurs des réponses véritablement tangibles. Il n’y a aucun raccourci ici. Celles et ceux qui sautent à des conclusions sur la base de suppositions et pensent ainsi pouvoir renoncer à l’étape décisive – l’information – n’auront aucun succès dans leur activité sur le long terme.
Comme tu l’as mentionné, LINK a déjà mis en œuvre de nombreuses mesures dans le cadre de la numérisation. Des optimisations sont-elles encore nécessaires?
Nous en avons déjà fait beaucoup. Grâce à l’utilisation des technologies numériques, nous sondons notre panel en ligne LINK en un à deux jours et livrons des résultats en 72 heures. Le moniteur du coronavirus de LINK en a apporté la preuve irréfutable. Nous appliquons depuis longtemps des méthodes de recherche agiles, des mesures implicites, des techniques de suivi oculaire (eye tracking) et des solutions de haute qualité pour le traitement automatique du langage naturel (TALN). Grâce à nos innovations méthodologiques et technologiques, nous sommes également la première entreprise de collecte de données en Suisse dans le secteur de la recherche sur la mobilité.
Concernant l’avenir, je m’attends avant tout à ce que les entreprises innovantes du secteur de la recherche comme LINK s’éloignent des grands projets ad hoc singuliers pour devenir davantage des fournisseurs de flux continus d’informations et de données qu’elles mettent à la disposition de leur clientèle. Donner un «instantané ponctuel» tous les deux à trois ans ne suffit plus; notre clientèle veut comprendre comment évoluent les préférences d’achat et de marques, et pourquoi. En septembre 2021, l’institut LINK a présenté un observatoire des marques suisses unique à l’échelle du pays avec le Swiss Brand Observer (SBO), conçu en collaboration avec l’université de Lucerne. Le SBO fournit en continu une étude de marché unique adaptée à la Suisse et dont les données sont actualisées chaque semaine pendant toute l’année. Au total, 2 000 consommatrices et consommateurs du panel en ligne LINK ont évalué hebdomadairement 200 marques selon des KPI pertinents de marketing et de gestion. La clientèle abonnée peut ainsi continuellement mesurer, comprendre et comparer par rapport à la concurrence l’impact de ses campagnes, l’effet de ses stratégies d’image de marque à moyen et long terme, mais également l’influence des reportages publics sur ses marques.
Y a-t-il également des choses que le secteur devrait aborder et mettre en œuvre d’ici notre prochaine interview pour les 50 ans de l’institut?
Je peux difficilement parler pour l’ensemble de l’industrie, mais il y a peut-être trois aspects que nous devrions aborder en tant que secteur: premièrement, nous observons qu’outre les responsables des études de marché dans les entreprises, qui jouent un rôle essentiel pour nous et pour notre activité, de plus en plus de fonctions au sein d’unités comme le développement d’entreprise, la gestion des produits ou d’autres domaines d’activité demandent des études de marché. Pour nous adresser à ces «nouveaux» groupes cibles, nous devons orienter encore davantage nos prestations sur leurs besoins.
Deuxièmement, nous voyons de plus en plus d’acteurs et d’actrices du marché couvrir une petite portion du processus de recherche, mais le faire de manière hautement automatisée et avec une bonne expérience utilisateur. Nous pouvons apprendre de ces entreprises.
Et troisièmement, le secteur dans son ensemble doit s’imposer davantage. Notre savoir-faire et l’efficacité de nos prestations sur l’activité de notre clientèle sont énormes et en tout point comparables aux services d’autres prestataires professionnels comme les consultants en gestion ou les experts-comptables. Nous ne devrions donc pas nous présenter sur le marché comme si nous vendions de la camelote. Actuellement, les PDG et les responsables des segments de marché ne sont souvent pas assez proches du côté clientèle. Les enquêteurs et enquêtrices devraient donc promouvoir avec confiance et sans honte leur proposition de valeur auprès des équipes de direction. Et par «sans honte», j’entends «avec fierté», pas sans politesse.
Et quels sont tes objectifs pour l’avenir de LINK?
Au cours de 30 derniers mois, mes collègues ont dans l’ensemble bien réussi à repositionner LINK et à préparer l’institut aux défis à venir. Je souhaite donc voir l’organisation poursuivre une croissance profitable et continuer à être une employeuse appréciée de celles et ceux qui veulent faire avancer les études de marché et la recherche sociale en Suisse. Jusqu’à son départ en 2008, notre fondateur, Joseph Stofer, s’est largement consacré à l’assurance de la qualité et à la satisfaction de la clientèle. À l’avenir, nous allons continuer à nous reposer sur cet héritage.
Cela pourrait vous intéresser: